samedi 9 juillet 2011

Trois heures trente trois (3:33)

 C'est l'heure où mes yeux se sont ouverts cette nuit. Que de trois. Trois, comme trois mois. Hier, le 8 juillet, ça a fait trois mois pile que l'on m'annonçait la maladie, et pour fêter ça, j'avais rendez vous pour ma deuxième cure de jouvence. Pour vraiment bien faire, il aurait fallu que ce soit la troisième.



Qu'importe, parce que de toutes façons, c'est un voyage inévitable et non désiré dans ce milieu hostile que représente l'hopital, même s'il est en train de me sauver la vie. Et en tant que tel, ben t'as pas envie d'y aller. Mais ce même radio réveil s'est mis à sonner m'intimant l'ordre de me lever. Ce que j'ai fait. N'empêche que l'humeur n'y était pas du tout. Je suis donc partie de chez moi, in-extremis, en voiture, pour arriver en retard de quelques minutes.

L'accueil de l'équipe est toujours aussi chaleureux et une infirmière m'emmène dans la chambre où je pense retrouver mes comparses de la dernière séance. Mais à ma grande surprise, ce sont d'autres femmes qui sont là. Je m'installe sur le seul fauteuil qu'il reste. C'est aussi le seul fauteuil qui n'a pas de prises électriques à proximité... Ca m'apprendra à arriver en retard. Mais je me demande comment je vais faire pour me servir de mon lecteur dvd portable, emmené pour faire passer le temps. Ca n'arrange pas mon humeur. Heureusement, l'une des femmes va changer de chambre pour aller se faire transfuser. J'occuperai donc son fauteuil.

Une fois que nous sommes installées, les constantes prises (poids, température, tension) un petit déjeuner nous est proposé. J'en veux pas. Pas faim. Pas d'humeur. Il y a même une infirmière qui me fait remarquer le changement de comportement entre hier et la dernière fois, où j'étais souriante et détendue. Détendue en apparence  cocotte. La dernière fois (et première chimio), je ne savais pas bien où je mettais les pieds; je parvenais encore à faire illusion d'une apparente décontraction. Mais là, je sais. Et j'te jure que ça fait une sacrée différence...Oui je suis tendue comme un arc et je ne fais rien pour le cacher. Et c'est dans cet état que vient me chercher l'oncologue qui me suit pour un entretien avant la cure.

Je rentre dans son bureau. Il vient accompagné d'un collègue. Il me demande comment je vais. Moi, avec mon humeur de merde, je lui dis que je vais comme quelqu'un qui est à l'hôpital, et pas pour une partie de plaisir. Mais lui, ça n'est pas vraiment ça qu'il veut savoir. Il veut savoir si j'ai bien supporté le dernier traitement. Et comme, je n'ai pas eu de vomissements et que les désagréments (vertiges notamment) n'ont pas excéder 5 jours, il m'informe que c'est plutôt pas mal, et que le dosage de cette cure restera le même. A ce moment, il contrôle les résultats de la prise de sang faite 48 heures avant, et me dit que les plaquettes (il me semble que c'est les plaquettes) sont un peu basses et qu'il va falloir refaire une prise de sang pour voir si c'est remonté depuis avant hier... "Merde, fais chier..." Ca n'arrange pas mon humeur. Et là, j'en profite pour lui dire, qu'effectivement, je me suis sentie malade (mal de gorge) la semaine dernière, et que, comme on me l'avait dit, en cas de soucis, d'appeler le numéro que l'on m'avait donné. Sauf que quand j'ai appelé, je n'ai jamais eu personne au bout du fil. Et que ça craint, si, quand on cherche à joindre l'équipe, personne n'est dispo. Lui se défend en me disant que les infirmières ont beaucoup de boulot et que parfois elles ne peuvent tout simplement pas répondre au téléphone. Et moi, je lui demande si je suis sensée savoir qu'il n'y a personne d'affecter à la tâche spécifique de répondre au téléphone et si je suis sensée connaitre l'organisation interne du service. Le ton monte parce que je suis vénère. Il me rétorque qu'au pire, je pouvais appeler mon médecin traitant. Et il a raison. Sauf que ça n'est pas une période où le bon sens et la cohérence sont forcément de mise. On me dit, en cas de soucis, n'hésitez pas à nous appeler. Moi, j'appelle. Un point c'est tout. Il y a déjà tellement d'infos et de consignes à retenir que peut-être que ça vaudrait le coup de simplifier le tout: un problème? Appelle ton médecin traitant et il saura te diriger. Et basta.
C'est à ce moment là qu'intervient son collègue. Et là j'hallucine. Il me demande si j'ai un mari.
O_o Je lui dis que je ne vois pas le rapport avec la choucroute, et lui dis que franchement d'avoir un mari, ça n'était pas la garantie d'avoir une vie plus simple (face à la maladie et pas que!) et loin de là. Et que je ne vois vraiment pas ce que vient faire cette question. Je lui dis que je suis loin d'être seule, que j'ai une famille et plein d'ami(E)s qui me soutiennent. Il constate que je monte dans les tours, me dit pour essayer de me calmer qu'ils(les médecins) sont là pour m'aider etc. Et là, il me demande si j'ai déjà pris des anti-dépresseurs!!!
Là j'ai juste envie de lui dire que j'ai l'impression de faire un oeudème tellement il me gonfle, mais je m'abstiens.  Je décide de faire de la provoc, en lui disant que j'en avais déjà pris, mais que j'avais rapidement arrêter au profit du bédo bien plus efficace pour me mettre bien. Je lui dis aussi de se rassurer, que j'étais suivie par une psy(chiatre) et qu'elle n'avait pas jugé opportun de m'en prescrire, n'en déplaise à son air étonné. Et oui Monsieur le médecin, pas besoin d'anti dépresseurs! Parce ce qu'il ne sait pas, c'est que la veille au soir de cette cure, j'étais à une soirée fort sympathique organisée par une collègue pour fêter la fin de l'année, où le planteur coulait à flot et où, un bon barbeuk nous a repu comme des cochons. Ce qu'il ne sait pas (étant donné que je ne suis pas une de ses patientes, et qu'il ne me connait pas et que j'vois pas pourquoi il l'a ramené), c'est qu'il y a quinze jours, j'étais la plus forte du monde en descendant de scène. Ce qu'il ne sait pas, c'est l'énergie que je mets pour combattre cette saloperie et comment j'essaie de la gérer, avec l'aide et le soutien de tous (de la famille, jusqu'au boulot). Et quand on ne sait pas, on ne dit rien.
Mais tous bons médecins qu'ils soient, ils restent des hommes. Des humains, avec leurs à priori, leurs failles, leurs incohérences. Et qu'il ne va pas falloir s'attendre à compter sur autre chose que leur domaine de compétence (où ils excellent, je dois le dire). 

Maintenant je le sais. C'est ce que je me suis dit, ce matin à trois heures trente trois.

1 commentaire:

Esprit de Femmes a dit…

C'est ce qui s'appelle "y aller à reculons"! J'ai connu et l'impression qu'on parle dans le désert!!! Y compris avec les médecins et leurs "petites boîtes" toutes prêtes où tous les patients devraient rentrer sans rien dire, sinon ils sont en panique totale! Bon courage! résistes !