vendredi 23 septembre 2011

Cet instant

Ecrire. Poser mes doigts sur le clavier. Dire la maladie. La crier. La vivre comme une expiation. La vomir et y tremper ma plume aride.  Etre tirée au sort. Loterie. Connerie. Destin.Tellement tordu que j'en ai mal à l'intestin. Ah non, c'est pas le destin. C'est le produit. Il macère et malmène mon coeur et mes viscères, déforme mes veines et distille en moi son goût et son odeur.
C'est ma vie à cet instant. En pointillés. Un fil un peu usé. Mon corps ce guerrier, oppidum affaibli par la science, les soins et peut-être par la maladie. Mon moral et mes sens en émois se noient, s'enlisent, et sympathisent parfois, avec des moments de chaleur et de joie. Dans ma tête, c'est le gros capharnaüm. Il faudrait que je range un peu. Un minimum. Mais à cet instant, j'erre dans mon espace. Tout est nuit. Le temps s'étire et mes repères s'effacent.  Jet-laggée sans voyager.. Je vais retourner m'entortiller dans mes draps froids, qui crissent et se froissent sous mon poids. Je vais poser ma tête sur mon oreiller creusé et déformé par le doute, l'angoisse et la sueur. Regarder tourner l'heure.

Et attendre un moment meilleur.



Citation du moment

"Je ne reviendrai jamais du voyage de la maladie, 
je ne reviendrai jamais vers la vie d'avant. Jamais. 
La maladie est un voyage dont on ne revient pas : 
soit c'est la mort, soit c'est une autre vie qui commence."

B. Giraudeau.

mardi 20 septembre 2011

La polie tique de l'autre huche

Voilà mon mode pour avancer dans cette épreuve. En savoir le moins possible.
Bien que l'on m'ait expliqué les choses, mon cerveau n'a pas cru bon de retenir quoi que soit. Quand je dis que mon corps n'en fait qu'à sa tête. Ma mémoire, toute sélective, n'a rien retenu de ce qu'on m'a expliqué de mon état. Le peu de fois où je suis tombé sur des témoignages de femmes traversant cette épreuve, toutes savent quel est leur stade de cancer. Moi je ne sais pas. J'ai oublié. Mon traitement  (chimio, radiothérapie) est il préventif ou curatif? Je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. Lorsque à l'hôpital, on me demande si j'ai des douleurs? Je ne sais pas de quelles douleurs on me parle et je n'ai pas demandé. Surtout ne pas demander. Bien sûr que j'ai des douleurs, cervicales parfois, dans le dos aussi quelques fois, au genou. Mais des douleurs, qui n'en a pas? J'en avais déjà avant d'avoir "adopté" mon N.A.C. Alors je préfère me dire que ce sont des douleurs de la "vieillerie", d'articulations usées jusqu'à la corde pour certaines, que de me dire que c'est le traitement, ou pire, la maladie.
Aujourd'hui était la cinquième cure. Cure qui a bien failli ne pas se faire car je suis grandement en manque de globules blancs. Quand c'est pas les plaquettes, c'est les globules blancs... Donc re-prise de sang ce matin (2 en deux jours. Ca n'est plus une veine que j'ai, mais une passoire). Demain matin, je vais certainement me faire l'injection d'E.P.O, et m'inscrire au tour de France cycliste!
Le soucis, mis à part que je doive me faire cette injection, c'est que je sais qu'elle crée des douleurs osseuses. Dommage d'avoir ce détail, j'en sais trop. J'aurais préféré ne rien savoir, car je risque d'être, une fois de plus, trop à l'écoute de mon corps.

Ma force à moi. L'inconnu. Moins j'en sais, mieux je me porte. Ou alors je préfère de loin avoir ce genre d'infos qui reboostent:
http://www.lunion.presse.fr/article/marne/les-dragon-ladies-font-chavirer-le-cancer
(Merci Lolo pour ce lien)

La maladie, c'est l'égo-trip. Tu passes ton temps à t'écouter malgré toi et à essayer d'oublier que tu es malade.

lundi 19 septembre 2011

Au coin de mes lèvres

Aujourd'hui, dernier moment de tranquilité avant la torture de demain. C'est aussi le jour où je dois, comme pour les fois précédentes faire ma prise de sang pour s'assurer que tout est conforme pour supporter la cure.
Je suis arrivée au labo de bonne heure, puisque ce sont des endroits malheureusement très fréquentés. Trop fréquentés... Une des premières choses que je fais quand j'arrive en attendant d'être appelée, c'est de regarder si Mon infirmière préférée est là. J'ai bien dit, mon infirmière: C'est qu'à force de faire des prises de sang, je finis par voir la différence dans les façons qu'ils ou elles ont de piquer. Et parmi ces gens, il y a une personne qui ne me fait jamais mal. Certes la "douleur" des prises de sang est somme toute largement supportable, mais il y a quand même des nuances. Ils sont trois aujourd'hui. Deux femmes (dont une qui à mon avis, pourrait bien compléter sa pension de retraite), et un homme.
C'est la femme d'un âge certain qui m'appelle. Elle écorche mon nom. Lorsque je la reprends, elle s'excuse et me demande si c'est "monsieur". Putain pourtant j'ai mis mes boucles d'oreilles que j'me dis. Je lui dis que pour l'instant, c'est toujours madame. Je rentre dans le box en me disant que ça commençait pas terrible-terrible. Elle me demande la raison de la prise de sang. Je le lui dis. Elle marque un temps d'arrêt, me regarde sans rien dire. Puis je m'installe sur le fauteuil. Elle me pique. Malgré un bon nombres de prises de sang qu'on m'a faite, je n'arrive toujours pas à regarder.
Bref, un fois le pansement posé sur mon bras, et alors que je remettais mon blouson et allais partir. Elle me souhaite de la patience et du courage, me lance d'un coup: "vous êtes magnifique!" et m'attrape chaleureusement par les deux épaules pour me claquer une grosse bise sur chaque joue, sans que j'ai le temps de rien.
Je suis sortie du box, droite comme un "i" (moi qui ne fais plus de bisous depuis des semaines ça m'a fait bizarre, en plus de me surprendre). Et après quelques secondes, un énorme sourire s'est affiché au coin de mes lèvres.

samedi 17 septembre 2011

Se souvenir




Ce billet s'annonce difficile à écrire. Mais comme pour les autres, je veux le rédiger "one shot". Sans préparation, sans brouillon. Poser les mots tels qu'ils arrivent. Vierges de toute correction, de toute censure.

Ce week end, la communauté caraïbéenne parisienne et celle des Antilles célèbre un artiste disparu il y a un an des suites d'un cancer. Un musicien, chanteur très talentueux qui a apporté énormément d'un point de vue musical à toute la Caraïbe et surement au delà. Son nom: Patrick Saint Eloi. Il a amené douceur et poésie, par le biais de ses textes, ce qui était, pour les Antilles, ma foi assez nouveau. Un des premiers (si ce n'est le premier) à prôner l'Amour et le respect des femmes.


Cet artiste m'a entre autres, donné le goût pour la photo de concert que j'ai commencé en 1987, le goût des concerts, du partage musical et l'envie d'en faire autant même si me lancer dans cette voie m'a pris un temps fou et qu'elle est toujours parsemée de doutes et d'un manque de confiance évident. Il est le symbole de toute une période de ma jeunesse et d'insouciance totale
.
Ainsi, aujourd'hui la communauté a mis en place des évènements, par devoir de mémoire. Je suis affectée pour deux raisons: la première, à cause de sa disparition précoce évidement. La deuxième parce qu'une petite voix (Hyde est de retour...) me sussure qu'il y a une "chance" pour que je le rejoigne. Ce à quoi je lui rétorque (pour lui fermer sa grande gueule) que c'est le cas pour n'importe qui sur cette terre. Ce à quoi il répond, insolent qu'il est, que j'ai pris une option par rapports à certains.
Bref, à part le fait que par moment j'ai comme la vague impression de devenir complètement barge avec mes questions-réponses, la maladie m'a fait prendre viscéralement conscience que je suis en vie. Est ce que j'ai peur de la mort? Je ne crois pas. J'ai d'avantage peur que la vie s'arrête. Je percute que pour ma part, mon passage sur cette terre n'a, jusqu'à maintenant, laissé aucune trace: Je n'ai pas d'enfant et n'ai réalisé aucune oeuvre dont on pourrait se rappeler. C'est maintenant que je me souviens d'interviews d'artistes ou d'écrivain(e)s dans lesquels j'ai lu à plusieurs reprises, qu'ils ou elles étaient contents de leur oeuvre ou de leur projet, parce entre autres, cette oeuvre ou ce projet laisserait une trace. Et c'est seulement maintenant que je comprends de quelle trace il était question...

Partir trop tôt. Injuste. Frustrant. Triste. Mais en plus, que personne, à terme ne s'en souvienne m'angoisse tout à coup.

Je finis ce billet avec celui qui a inspiré toute une génération de chanteurs et qui n'est pas près de tomber dans l'oubli. Lui, contrairement à moi, aura marqué son passage sur cette terre d'une façon assez magistrale.

Merci pour ce que tu  nous a donné.




mercredi 14 septembre 2011

Poison vital

A j-7de la prochaine cure, la pression remonte doucement. Le temps, troublant défile trop vite entre chaque "séance", alors que parallèlement, j'aimerais en finir avec ce traitement de cheval. Là, pour le coup, le temps traine des pieds et la fin tarde à arriver... Ceci dit, ça avance et chaque épreuve de passée, est un obstacle de franchi.
Cette semaine, j'ai eu à faire une échographie cardiaque pour s'assurer que mon coeur supportera le prochain traitement. Que l'on pourra m'administrer le produit dans les meilleures conditions.  Bien qu'ayant fait pas mal de sports les années passées, j'avais comme une petite angoisse. Une mauvaise nouvelle est si vite arrivée. Mais le médecin m'a assuré qu'il n'y avait aucun problème. J'ai un gros coeur! Ben oui pardi!! Cela devrait donc me permettre de pouvoir supporter le produit. Enfin peut-être. Car je sais que certaines femmes ont développer des allergies, et que finalement, elles ne l'ont pas supporté. D'ailleurs, pour diminuer le coté allergène de la substance, j'ai des corticoïdes à prendre sur trois jours. La prises de médicaments débutera donc un jour avant par rapport à d'habitude.

Et puis dorénavant, je devrais traiter mes ongles de pieds et de mains (sous peine de les voir tomber un à un, comme un vieux pan de papier peint défraichi), tous les jours (qu'est qu'on s'marre!!!) avec un produit, qui se présente un peu comme du vernis, et ce, dès ce soir. La barbe...  J'aurai pu opter pour un vernis spécial, noir, à mettre uniquement au moment de la cure. Mais j'aime pas le vernis. Enfin sur moi.

Alors je me prépare dors et déjà à affronter cette cinquième cure, résignée...Et comme à chaque fois que l'infirmière va me brancher la perfusion au kt, et qu'elle y raccordera la grosse seringue remplie du liquide, j'aurai cette vieille impression de me faire empoisonner. Empoisonnement vital s'il en est. Je le sais.

dimanche 4 septembre 2011

C quatre

C4.
Ca sonnerait presque comme le nom d'un explosif, ou comme la version raccourcie de quatrième vertèbre cervicale, ou comme le dernier modèle de bagnole.  Et bien, C quatre représente la quatrième cure. (Qui a dit: "déjà"??). Et c'est au bout de la quatrième cure, que je commence à dompter la bestiole. Mon corps a dû s'habituer aux produits, mais je me suis aussi adaptée, je pense, à une façon de faire qui adoucit la torture après admission des produits.
Avant cette grosse galère de santé, je ne m'écoutais pas trop, prenais très peu de médocs puisque j'en ai horreur, et je comptais beaucoup sur mes défenses immunitaires assez costaudes jusqu'alors, pour me défendre contre toutes sortes de maux communs et sans gravité.

Mais dans le cas du N.A.C et de son combat, il m'a fallu un peu de temps pour revoir ma copie.
En fait, j'ai enfin compris le très simple principe de prendre les médicaments avant les manifestations attendues. C'est simplet, mais bizarrement pas très évident à faire pour moi, étant donné que mon passé médical était jusque là sans histoire.
Alors, je me retrouve à prendre toutes les trois/quatre heures des comprimés... Et ce pendant cinq jours environ. Et à chaque prise, de me rappeler la phrase de l'oncologue, une des première fois où je l'ai rencontré: "rayez de votre vocabulaire "je-n'aime-pas-les-médicaments"".
Ce subtil mélange de toutes ces substances dans mon corps n'est pas sans effets secondaires... Mes hormones sont aux abois. Ainsi, celles qui étaient aussi régulières et précises qu'un coucou suisse tous les mois depuis trente piges, ont tout bonnement décidé de mettre les voiles... Avec les inconvénients qui vont avec. Je fais donc, chaque nuit et plusieurs fois par nuit (sinon c'est pas drôle), un petit sauna pas piqué des hannetons. Il m'arrive aussi des faire de terribles cauchemards, ultra violents, où je dois rouler avec ma voiture sur un gosse du boulot, pour échapper à un président tortionnaire d'un pays étranger qui veut me couper la tête. Ou plus récemment, je défenestre une amie et la regarde s'écraser au sol juste parce qu'on n'est pas d'accord. Ma digestion aussi est compliquée. Là, par pudeur, je n'en dirai pas plus. Mais j'hésite à prendre les traitements avant de constater les dégâts. Tout simplement par ce qu'ils ne sont pas systématiques...
C4 signifie aussi que j'ai à faire avant la prochaine cure, une échographie cardiaque. Probablement pour voir si mon coeur tient le choc. Histoire d'être sûr que les tachycardies de ouf que je me fais sont sans conséquences. C4, c'est aussi le moment charnière où les produits de la prochaine cure vont changer. En fait, il n'y aura plus qu'un seul produit au lieu de deux. Mais pour assurer le coup, j'aurai des corticoïdes à prendre 24 heures avant, le jour même de la cure et 24 heures après. Je devrai aussi traiter mes ongles de pieds et de mains, avec, pour faire court, un vernis pour éviter qu'ils ne tombent sous l'effet du produit... Trop charmant isn't it?

Pour l'heure, je récupère de C4. Je dors énormément et n'ai pu profiter de ce week end ensoleillé. Cette semaine, la musique a été un peu moins présente, mais je vais me reprendre. "Il le faut".