A présent que l'opération était passée, je pouvais enfin informer celle qui aurait dû être la première à apprendre ma maladie. Alors pourquoi l'en informer si tard? Parce que je me sentais incapable d'avoir à gérer son angoisse et la mienne vis à vis de cette opération. Cette annonce avait été si violente pour moi. Comment aurait elle pu être supportable pour elle. La décision s'est donc imposée à moi. Je n'ai pas trouvé d'autres alternatives, d'autant plus que ma mère vit à 700 kilomètres de chez moi, et que le lui annoncer par téléphone me paraissait insupportable.
Mais maintenant que c'était fait, et que ma foi, j'allais plutôt bien, je me sentais la force d'affronter ce moment. J'ai donc pris le tgv et me suis pointée sans prévenir. La fête des mères n'était pas foncièrement le moment que je préférais pour le faire, mais je n'allais pas me débiner une fois de plus.
A peine passé le pas de la porte, j'ai bien cru qu'elle allait tomber à la renverse en me voyant. Je me suis dit: "putain ça commence fort...Je n'ai encore rien dit..." Mais passé le choc de la surprise, elle était super ravie de cette "bonne surprise". La bonne blague. Elle ne remarquait même pas (ou à peine), mon changement de look, ayant rasé mes cheveux quelques semaines avant. Il faut dire que j'avais quand même pris soin de me coiffer d'un foulard, par dessus lequel j'avais mis un chapeau. Elle trouvait mon nouveau style très chouette! Cool...
La première partie de la journée se déroulait chez ma soeur, avec ses enfants, son mari et donc ma mère. Au menu: Barbecue. Soleil, chaleur. Tout était rassemblé pour que ce soit une belle journée. Au fur et à mesure que le temps passait, je me demandais à quel moment j'allais plomber l'ambiance légère et radieuse qui flottait dans l'air... Séance de cadeaux par les enfants de ma soeur. Séance cadeaux par ma soeur et moi pour notre mère. Séances de bisous. Non. Vraiment, je devrai attendre pour annoncer l'indicible.
Le temps passe, et voilà arrivée l'heure de partir chez ma mère qui habite à quelques kilomètres de chez ma soeur. Quand nous serons deux, cela sera plus facile.
La pression monte un peu. J'en ai marre d'avoir à garder ça pour moi. Je meurs de chaud sous mon chapeau et foulard que je n'ai pas osé enlever, même au plus chaud de la journée.
Nous voilà rentrées. Ma mère est trop contente de la journée passée. Elle allume son ordinateur. Elle me connait bien ma mère. Puis, pour elle, elle allume sa télé. Télé qu'elle a la particularité de regarder sous casque audio, pour m'épargner les programmes qu'elle regarde. Et là, arrivées pile poil à l'heure du film du soir, elle se met sous son casque.
Je me retrouve comme une conne à surfer sur internet, sans oser lui "niquer" le film du soir, et en me demandant à quel moment je vais réussir à intervenir au cours de cette sacrée soirée. A la fin du film, elle me dit quelques banalités pour savoir si ça roule pour moi. Et comme je lui réponds par l'affirmative, je la vois remettre son casque. A ce moment, je me dis que c'est pas possible que je la laisse regarder le film de la deuxième partie de soirée.
Je lui mime donc d'enlever son casque pour lui révéler que j'ai un truc à lui dire. D'un coup, je me sens comme lorsque tu te retrouves au bout de la planche d'un plongeoir de dix mètres, mais que tu n'as pas envie de sauter. Comme elle est dans une très bonne humeur, elle me demande si c'est une bonne nouvelle. Et là, je bouche mon nez, ferme mes yeux et inspire avant de sauter toute crispée du plongeoir: - "récemment, j'ai senti une boule au sein, et que pour ça, je me suis faite opérée il y a une dizaine de jours".
Je prends juste soin au début, de ne pas dire les mots qui fâchent: cancer, tumeur (parce que dans tumeur, y'a "tu meurs").
Je suis au coeur du moment tant redouté. Son visage se fige, avant de laisser place à une expression indescriptible qui mêlerait la douleur que peut ressentir une femme, couplé à la douleur d'une mère pour sa fille. Elle se met instantanément à regretter de n'avoir pas été là pour moi à ce moment si difficile de ma vie. Une copine m'avait fait cette réflexion que j'avais privé ma mère de son rôle de maman. Mais elle a, semble t'il, bien compris les raisons de mon silence. Puis au fur et à mesure, les questions affluent. Puis elle finit par reconnaitre que d'apprendre cette nouvelle par téléphone aurait été une source d'angoisses bien lourde à porter et que j'avais de qui tenir finalement, étant elle même la première à parler des problèmes, une fois résolus.
Je l'informe par la suite du traitement à venir. Puis le climat se détend un peu, même si elle reste abasourdie (elle arrête pas de dire "putain...putain"). Mais elle constate de ses yeux vus, que je vais bien et c'est visiblement l'argument qui prime dans ce moment.
Voilà pour ce qui fût l'annonce la plus difficile à faire, en ce qui concerne cette maladie. Ce soir, c'est à mes neveu et nièce que je compte parler, pour ne pas avoir à leur mentir. Et puis finalement, c'est aussi une façon de les confronter aux âffres de la vie. Une façon de les "préparer", parce que non, la vie ne ressemble pas trop à Disney Land.
2 commentaires:
Wahouuu ! le récit de votre "coming out" médical auprès de votre mère est remarquable! c'est extrêmement bien écrit et ça interpelle gravement sur ces rapports fille-mère dans les moments de tempête! c'est puissant!
Bravo!
Enregistrer un commentaire